Discours à l'occasion de l'inauguration de l’exposition « La Révolution s’affiche »

Mercredi 18 septembre

Hôtel de Lassay

Seul le prononcé fait foi

Monsieur l’ambassadeur,

Madame et monsieur les membres du Bureau,

Mesdames et messieurs les députés,

Monsieur le président du groupe La Poste, cher Philippe Wahl,

Mesdames et messieurs les membres du Conseil scientifique et les commissaires de l’exposition,

Mesdames, messieurs,

Citoyennes et citoyens !

 

Il y a 230 ans jour pour jour, le 18 septembre 1789, mon prédécesseur à la présidence de la toute récente Assemblée nationale recevait la promulgation par le roi des articles votés dans la nuit du 4-Août. L’acte dont il donna lecture à ses collègues consacrait ainsi, je cite, « la suppression de tous les assujettissements qui dégradent la dignité de l’Homme ».

C’était la fin définitive des privilèges et des droits féodaux en France – autrement dit, l’égalité de tous devant la justice et devant l’impôt.

Une rupture fondamentale venait de s’opérer, un pas de géant était franchi dans l’émancipation humaine et cela, je veux le souligner, résultait d’une innovation : la loi.

La loi discutée et votée, la loi adoptée par une assemblée parlementaire incarnant tout à la fois l’unité et la diversité de la Nation.

Car ce qu’il y eut de foncièrement révolutionnaire en 1789, ce ne fut pas la rédaction des cahiers de doléances, qui s’inscrivait au fond dans les institutions de l’Ancien Régime, dès lors que le roi décidait de convoquer les États généraux pour lever de nouveaux impôts.

Ce ne fut pas non plus la prise de la Bastille, épisode hautement symbolique mais non décisif à lui seul, car la vieille forteresse comptait plus de gardiens que de prisonniers alors, et ne représentait plus que les tristes murailles de l’arbitraire.

Non, ce qui fut vraiment révolutionnaire en 1789, ce fut, le 17 juin, l’apparition de l’Assemblée nationale, autrement dit la naissance d’une représentation élue, l’émergence subite et prolifique du Parlement français.

Cette institution nouvelle fut, pendant une dizaine d’année, le formidable atelier législatif dont sortirent des milliers de lois.

Des premières séances de la Constituante au crépuscule du Conseil des Cinq-Cents, les députés de l’époque inventèrent un monde nouveau, celui que promettaient les Lumières et qu’ils tentèrent, du mieux qu’ils purent, de réaliser.

Nous leur devons d’abord la Déclaration des Droits de l’Homme et du citoyen, qui fait aujourd’hui partie du bloc de constitutionnalité : liberté de circulation, liberté d’opinion, liberté d’expression, autant de garanties précieuses qui ont essaimé par le monde et dont nous voyons l’inestimable prix chaque fois qu’un peuple en est privé.

Nous devons aussi à la Révolution française les municipalités élues, les départements, la laïcisation de l’état-civil, le système métrique, le Muséum d’Histoire naturelle… et je n’en finirais pas de donner la liste de toutes les écoles, institutions et progrès qui puisent leurs origines dans les votes de nos grands ancêtres.

Ils ne légiféraient pas dans la sérénité, pourtant. Lutte de factions, guerre civile, guerre étrangère : au plus fort de la Terreur, on ne sait pas le matin si l’on dormira chez soi le soir et chacun frissonne à l’idée que son patriotisme puisse être mis en cause. Le député Guillotin, qui par humanisme désirait abréger et adoucir la peine de mort, avait dangereusement accru le rendement des exécuteurs…

C’est pourquoi la France républicaine voulut aussi expérimenter des contre-pouvoirs, et passa au bicamérisme en 1795.

Cette histoire, en 2019, est trop souvent ignorée, déformée, voire manipulée.

On oppose parfois la Nation à ses élus, alors que l’élection et le mandat constituent des conquêtes majeures, sans lesquelles il ne saurait y avoir de démocratie dans un grand pays comme le nôtre.

Il était donc juste, mais aussi nécessaire, de rendre hommage à cette période fondatrice de la France moderne, fondatrice de notre citoyenneté, par une grande exposition dont le Bureau de l’Assemblée nationale – et je l’en remercie – a unanimement approuvé le principe.

Les services de l’Assemblée nationale se sont mobilisés avec ardeur pour cette opération ambitieuse. Je salue le travail accompli par le service de la Bibliothèque et des Archives, en vous demandant d’avoir une pensée pour son directeur, Patrick Montambault, qui a dû être hospitalisé, et regrette de ne pouvoir être présent parmi nous. Je salue également le service de la Communication, et le service des Affaires immobilières et du Patrimoine. Avec nos scénographes de l’atelier Deltaèdre, ils ont montré que l’Assemblée nationale sait donner le meilleur d’elle-même quand il s’agit de s’ouvrir à tous et de valoriser ses collections.

Je remercie également nos partenaires dans cette aventure, en commençant par le groupe La Poste, cher Philippe Wahl. L’exposition se double en effet d’un collector de quatre timbres qui sera dévoilé ce soir et dont les premières oblitérations interviendront samedi, à l’occasion des Journées européennes du Patrimoine.

Je remercie les éditions Fayard, avec qui nous publions le catalogue de l’exposition, qui sera ainsi disponible dans toutes les librairies de France.

Je remercie la Gendarmerie nationale, qui a mis les outils technologiques de son Institut de Recherche criminelle au service de l’histoire, puisque nous avons ensemble procédé, à partir du masque mortuaire de Mirabeau conservé à l’Assemblée nationale, à la reconstitution faciale du grand tribun.

Vous découvrirez tout à l’heure le résultat. Je vous assure qu’il est saisissant ! Mirabeau lui-même le disait, d’ailleurs : « On ne connaît pas la toute-puissance de ma laideur. Quand je secoue ma terrible hure, il n’y a personne qui osât m’interrompre. »

Je remercie enfin les historiens qui ont bien voulu apporter leur savoir et donner de leur temps, au sein du conseil scientifique de l’exposition : Jean Tulard, Pierre Serna, Annie Jourdan, Anne Simonin, Emmanuel de Waresquiel, Alain Weill et Laurent Cuvelier.

Et je sais qu’eux-mêmes éprouvent une reconnaissance particulière à l’égard d’un obscur député à qui nous devons l’essentiel de cette exposition : Louis-François Portiez, dit « Portiez de l’Oise », ancien représentant du peuple à la Convention et au Conseil des Cinq-Cents.

Comme orateur, il faut bien le reconnaître, Portiez de l’Oise  n’a pas laissé le même souvenir que Danton, Barrère ou Saint-Just, sans doute… Mais la parole n’est pas tout en politique, il faut agir aussi, et Portiez de l’Oise fut d’abord un travailleur acharné, qui signa ou cosigna plus de deux cents rapports. C’est cela aussi, le travail parlementaire.

Le citoyen Portiez de l’Oise, en outre, était un collectionneur passionné, l’un des rares témoins et acteurs de la Révolution  qui se soucia, très tôt, du devoir de mémoire. Toute sa vie, il s’efforça de rassembler et conserver des documents révolutionnaires, tracts, placards, journaux et autres publications éphémères de cette période d’effervescence politique et intellectuelle où les presses des imprimeurs ne chômaient jamais.

À sa mort, il laissa 472 volumes reliés de documents révolutionnaires et surtout, 2 351 affiches authentiques, dont certaines n’existent plus aujourd’hui qu’à un seul exemplaire au monde.

Ces affiches sont d’abord des sources historiques, qui nous racontent au jour le jour les espoirs et les plaintes, les violences aussi bien que les grandes réalisations des sans-culottes et de leurs élus. La collection Portiez de l’Oise a d’ailleurs servi à Jean Jaurès pour écrire son Histoire socialiste de la Révolution française.

Mais ces affiches nous invitent aussi à réfléchir sur ce qu’est la communication politique, car ce sont des médias, qui servaient à la fois aux citoyens pour interpeller les élus, et aux élus pour rendre compte de leur mandat.

C’est pourquoi la forme même des affiches, leur construction, leur graphisme sont du plus grand intérêt. Le papier blanc était réservé aux affiches officielles, mais sur les papiers bleus, jaunes, rose tendre, que de slogans, que de polémiques !

Certaines de ces affiches sont de véritables journaux muraux, très denses en textes : dans les rues de Paris, ceux qui savaient lire les déclamaient à pleine voix devant leurs concitoyens moins instruits, suscitant des scènes parfois pittoresques – et parfois agitées.

Il faut en avoir conscience : au temps de la typographie au plomb, imprimer de grandes affiches représentait un exploit technique. Certaines affiches révolutionnaires sont même illustrées, ou colorisées : elles annoncent déjà la communication politique moderne, dans laquelle l’affiche n’est plus simplement un texte mais un coup de poing, un choc, unissant mots, couleurs et images dans l’unité d’un message efficace.

Que serait une campagne électorale sans affiches ? L’image et la couleur sont devenues banales pour nous, habitués que nous sommes à la quadrichromie, ainsi qu’aux déploiements de 4 mètres sur 3 lors des présidentielles… Les affiches révolutionnaires du fonds Portiez de l’Oise permettent aussi de mesurer le chemin parcouru.

Cette collection fabuleuse, pour la première fois, va enfin être montrée au public, et l’exposition va rester accessible à tous pendant deux mois, sur simple inscription.

Je vous invite donc à me suivre, pour parler avec Mirabeau, tonner avec Danton, frémir avec Robespierre, raisonner avec Barras, et découvrir en quoi nous sommes tous, aujourd’hui, les enfants de la Révolution française.

Je vous remercie.

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