Mercredi 23 mars 2022
Discours
Discours
Discours de Richard Ferrand à l'occasion de l'intervention de M. Volodymyr Zelensky, Président de l’Ukraine, dans l'hémicycle
Mardi 11 février
Madame la Ministre,
Monsieur le Ministre,
Mesdames et messieurs les parlementaires,
Mesdames et messieurs les élus,
Mesdames, messieurs,
Je suis très heureux de vous accueillir ici, pour ouvrir la remise des prix du Trombinoscope.
Étrange mot que celui de « trombine », qui entre dans la littérature à travers la correspondance de Flaubert. Terme populaire, affectueux, un brin moqueur tout de même… Mais il n’est pas question de se moquer ce soir : il s’agit au contraire de saluer le professionnalisme et de récompenser le talent.
C’est déjà ma deuxième remise des prix du Trombinoscope et je n’ignore plus rien des nombreuses qualités que réunissent les membres du jury : ce sont des journalistes confirmés, des éditorialistes renommés, le gratin de la profession !
Je sais même – c’est le seul vrai privilège de ma fonction – les noms des heureux lauréats. Mais je ne veux pas gâcher le suspense et je ne les dévoilerai pas. Je vous parlerai donc d’autre chose. De notre actualité politique, par exemple.
Je ne peux m’empêcher, en effet, de penser à quelques images récentes. Loin de moi la volonté de gâter l’ambiance, à l’orée d’une cérémonie par définition festive, mais au moment où je voudrais me féliciter de nos relations apaisées, entre élus et journalistes, je ne peux oublier le déchaînement de haine auquel nous avons pu assister ces derniers mois.
Certes, il est le fait d’une minorité de nos concitoyens, mais il existe et notre premier devoir – élus comme journalistes – est de regarder la réalité en face.
Nous assistons à des manifestations d’une violence plus que symbolique. Nous avons vu des effigies au bout d’une pique. Nos réseaux sociaux parlent d’une « quasi dictature », les gardiens de la paix sont présentés en nervis à la solde d’un pouvoir dont on semble oublier qu’il procède d’une élection démocratique.
Robert Badinter, qui est assurément l’une des consciences de notre République, a fortement réagi et je tiens à lui faire écho. « Il y a des évidences dans une démocratie. La première c’est le refus de la violence physique », a-t-il rappelé.
Convié le lundi 27 janvier dans l’émission « C à vous », sur France 5, pour les 75 ans de la libération du camp d’Auschwitz, l’ancien garde des Sceaux a ajouté ces paroles que nous devons méditer : « La représentation d’une tête au bout d’une pique, qui n’est rien d’autre que la continuité de la guillotine, est à mes yeux absolument et totalement condamnable. […] Derrière le symbole, il y a la pulsion. Et cette pulsion c’est la haine […]. Vous faites ce que vous voulez mais pas la violence physique, l’agression, la symbolique de la mort. » Ainsi a fort sagement parlé celui qui a été à l’origine de l’abolition de la peine de mort en France, il y aura bientôt 40 ans.
Amis journalistes, peut-être vous étonnerez-vous que j’aie de si sombres pensées à l’ouverture d’une cérémonie comme celle-ci. Pourtant, entre accepter de voir sa trombine à la « une » et la retrouver au bout d’une pique, il n’y a peut-être qu’un pas…
Je crois que nous devons tous, élus comme journalistes, nous prémunir de la tentation de l’entre-soi. Tout comme nous ne devons pas céder à la dangereuse facilité de souffler sur les braises.
Nos concitoyens doutent presque autant de leurs dirigeants que des journalistes. Et nous devons donc, séparément et ensemble à la fois, veiller à ne pas tomber dans ces deux travers contradictoires et paradoxaux : celui de la complaisance et celui de la critique systématique.
La grandeur d’un homme politique se juge justement à son indépendance. Je considère qu’il en va de même pour les éditorialistes. Gardons-nous de nous détester… et veillons plus encore à ne pas nous complaire dans le concours de ma trombine partout…
Au moment de conclure, je préfère quitter ces sombres réflexions et, par avance, féliciter celles et ceux qui seront à l’honneur ce soir.
Ambrose Bierce, dans son Dictionnaire du Diable, définissait admirablement les félicitations. Qu’écrivait-il ? « Félicitations : politesse de la jalousie… »
Je vous félicite donc tous par avance. Quelque peu jaloux de ne pas être honoré ce soir, il me reste le plaisir d’être ici votre hôte, et de saluer celles et ceux qui, ce soir, vont recevoir un prix. Il sera, je le sais, mérité.
Je vous remercie. Excellente soirée à tous.
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