Ouverture du Sommet interparlementaire sur le G5 Sahel

Jeudi 13 décembre

Salle Lamartine
Seul le prononcé fait foi

Monsieur le Président de l’Assemblée nationale du Burkina Faso,
Monsieur le Président de la Chambre des députés d’Italie,
Monsieur le Président de l’Assemblée nationale de Mauritanie,
Monsieur le Président de l’Assemblée nationale du Niger,
Monsieur le Président de l’Assemblée nationale du Tchad,
Madame la Présidente de la commission des Affaires étrangères,
Monsieur le Président de la commission de la Défense nationale et des forces armées,
Messieurs les Chefs d’État-major des armées,
Madame la sous-secrétaire générale des Nations Unies,
Mesdames et messieurs les députés et sénateurs,
Mesdames et messieurs les ambassadeurs,
Mesdames, messieurs,

C’est un honneur pour moi et pour l’Assemblée nationale de recevoir aujourd’hui tant d’éminentes personnalités, autour d’une question géopolitique centrale : le présent et l’avenir du Sahel, ce vaste espace géographique qui relie l’océan Atlantique à la mer Rouge.

Le Sahel revêt une importance considérable dans l’histoire de l’humanité. De la fin du Moyen Âge jusqu’au XIXe siècle, il fut un carrefour majeur dans les échanges économiques, humains et culturels de l’Afrique. Son réseau commercial s’étendait du centre de l’Afrique jusqu’à la Méditerranée, et des rivages de Guinée jusqu’au monde arabe. C’est là, à la croisée du Niger, du Nigeria, du Tchad et du Cameroun actuels, que la dynastie des Sefuwa posa les bases d’un État puissant : le sultanat du Borno. Parcourant et organisant leur territoire, voyageurs infatigables à une époque où se déplacer était long et dangereux, les sultans du Borno s’affirmèrent aux XVIe et XVIIe siècles comme des interlocuteurs politiques et spirituels essentiels dans le monde musulman.

Les villes situées le long du fleuve Niger, celles bâties dans le désert à proximité de l’eau, sur la longue route commerciale qui va de l’Atlantique vers le Soudan et jusqu’en Éthiopie, témoignent toutes d’un riche passé.

Quand on évoque le Sahel, il convient donc de garder à l’esprit qu’il ne s’agit pas d’un désert stérile, mais d’un ensemble de civilisations anciennes, brillantes, urbaines, dotées de centres religieux dont Tombouctou est sans doute le plus célèbre.

Nous sommes toutefois dans cette salle pour évoquer le Sahel moderne, et la présence des délégations du Danemark, de la Finlande, de l’Italie, de l’Union européenne et de plusieurs institutions multilatérales, en plus des délégations parlementaires africaines, témoigne de notre volonté : celle de mener un dialogue nourri entre l’Europe et l’Afrique.

Ce dialogue ne saurait être l’apanage des gouvernements et des institutions multilatérales, car les questions dont nous traitons concernent directement les citoyens que nous représentons. Les parlements y ont donc toute leur part.

Le Sahel est une zone fragile, qui concentre de nombreuses vulnérabilités ou menaces.

Les pays du G 5 Sahel, auxquels j’ajoute le Sénégal, sont sur une trajectoire qui va porter leur population de 89 millions d’habitants en 2015 à 240 millions en 2050, puis à 540 millions en 2100. Du Sahel viendra un tiers de la croissance démographique mondiale.

Cette projection suscite immédiatement d’autres questions : les ressources de cette région permettront-elles d’assurer une vie digne aux populations ? Celles-ci auront-elles accès à l’ensemble des besoins primaires, à la santé, à l’éducation ? Seront-elles reliées aux vastes courants d’échanges commerciaux et culturels du monde contemporain ?

Chacun d’entre nous, ici, souhaiterait répondre par l’affirmative à ces questions. Mais nous nous heurtons à une autre réalité : la région sahélienne subit la crise hydrique la plus grave de son histoire.

Par rapport aux années 60, en effet, la quantité d’eau dont disposent les habitants du Sahel a diminué de 40 %. Leur consommation d’eau est drastiquement limitée. Il en est de même pour leur bétail, dans une région qui se caractérise par le nomadisme ou le semi-nomadisme.

La situation du Sahel illustre parfaitement les dangers du changement climatique.

À ce contexte environnemental s’ajoutent les tensions liées à la situation politique de certains pays voisins : le nord du Nigeria et le nord du Cameroun avec Boko Haram, l’instabilité de la République centrafricaine et les effets de la crise du Darfour qui perdurent. Et c’est dans ce contexte difficile que les pays du Sahel doivent encore faire face à un terrorisme aux origines diverses, qui a pris racine.

Les pays du Sahel sont en outre des pays d’accueil pour de nombreux réfugiés, à une échelle supérieure à celle de la plupart des pays européens par rapport à leur population. Les migrations constituent un enjeu pour tous les pays réunis ici aujourd’hui : il s’agit d’une question à laquelle nous devons apporter une réponse collective, concertée et coordonnée. Une coopération internationale plus efficace est nécessaire entre les pays d’origine, de transit et de destination ; c’est dans cet esprit que la France a soutenu l’adoption du pacte mondial pour des migrations sûres, ordonnées et régulières.

Messieurs les Présidents, mesdames et messieurs, j’ai tenu à rappeler ce triple constat démographique, environnemental et géopolitique, afin que chacun conserve à l’esprit les défis que doivent relever les gouvernements du Sahel. Dans ce contexte, le risque principal pour eux réside dans l’immobilisme des sociétés.Sans paix, sans sécurité, il est impossible de conduire des projets à long terme,de miser sur l’éducation, de convaincre les opinions publiques de la nécessité d’assurer l’égalité entre hommes et femmes.

Devant cet ensemble de problématiques, il est indispensable d’apporter une réponse intégrée.  C’est ce que nous nous efforçons de faire, avec les volets militaire et civil de l’action internationale au Sahel. Rétablir la sécurité ne sera possible que si on rétablit parallèlement les conditions d’un véritable développement économique et humain. J’ajoute que ce développement doit être conforme aux vœux et besoins de la population, et non aux seuls critères définis par les instances internationales, quelle que soit leur pertinence.

Comme vous le savez, la France s’est énormément mobilisée pour cette région et continuera à agir pour sa stabilité, que ce soit dans le domaine de la sécurité ou dans celui du développement. Il s’agit d’un engagement prioritaire pour les autorités françaises comme en témoigne notre action sur le terrain. S’agissant de la sécurité, nos propres forces armées françaises sont mobilisées avec l’opération Barkhane, en pleine coopération avec les armées nationales et la force du G5 Sahel.

S’agissant de l’accompagnement de la stabilisation politique et du développement, la France a veillé à ce que les efforts en la matière soient renforcés, notamment avec le lancement de l’Alliance pour le Sahel sous impulsion franco-allemande, en présence du Président de la République et de la Chancelière.                                                                                                                                                                       

Le dialogue parlementaire n’a pas pour seul objet d’évaluer les dotations que nos gouvernements respectifs consentent au sein de l’Alliance Sahel. Chacun de nos parlements dispose en effet des procédures et des compétences nécessaires pour contrôler, s’il le souhaite, les 500 projets présents et à venir – qui se répartissent eux-mêmes sur six lignes directrices.

En revanche, notre dialogue répond à un impératif, surtout du côté européen :mieux connaître les sociétés des pays du Sahel,en comprendre les nuances, les complexités. Voilà pourquoi nous avons besoin d’échanger avec nos collègues parlementaires afin d’analyser si chacun des acteurs impliqués au Sahel apporte la bonne réponse.

Notre sommet  intervient à l’issue d’un important travail conduit par nos députés, déterminés à contribuer au succès du partenariat G5 Sahel. Une étape essentielle a été franchie le 17 juillet 2018 à Niamey avec l’adoption par les Présidents des Assemblées du G5 Sahel d’une importante résolution, qui précise les recommandations des parlementaires : améliorer les échanges d’informations entre les parlements, les bailleurs et les forces de sécurité ; renforcer les capacités de contrôle et d’évaluation des parlements ; envisager la création d’une structure interparlementaire des pays du G5 Sahel. Il nous revient de franchir une nouvelle étape aujourd’hui en donnant corps à ces recommandations.

Je ne voudrais pas terminer sur un tableau pessimiste. Un aussi vaste territoire est riche de son potentiel humain.Les pays du Sahel bougent, évoluent. En témoigne le dynamisme de leurs entrepreneurs :l’an dernier à Niamey, se tenait le forum Sahelinnov, où les chefs d’entreprises du Tchad, du Sénégal et évidemment du Niger présentaient leurs produits. Du bétail aux drones, tous les secteurs étaient représentés, alors qu’une nouvelle génération d'entrepreneurs et de start-ups émerge, avec des solutions audacieuses et innovantes, pour relever les défis auxquels sont confrontés leurs pays et leurs populations.

De plus en plus, le soutien aux PME et aux entrepreneurs apparaît comme une voie stratégique pour favoriser la croissance économique, avec un impact majeur sur le développement.

Un écosystème entrepreneurial dynamique contribuerait donc à diversifier l'économie et à améliorer la productivité. Mieux : il pourrait aussi contribuer àconjurer ces deux périls majeurs que sont, pour le Sahel, le chômage des jeunes et le changement climatique.

Un proverbe maure affirme que « le fardeau est léger comme une plume s’il est porté à plusieurs », allusion directe à la grande tente que les nomades déplacent depuis des siècles et qui est le foyer de leur hospitalité, comme peuvent en témoigner les véritables voyageurs, ceux qui prennent le temps de connaître les peuples qu’ils croisent.

Les pays du Sahel concentrent une large part des problématiques de notre temps. Si nous y répondons, nous apporterons la preuve que la solidarité internationale n’est pas un vœu pieu, mais qu’elle apporte des solutions aux populations.

Mesdames et messieurs, je souhaite que vos débats de ce jour rappellent l’impératif  du contrôle démocratique sur les dotations allouées aux programmes de développement dans le Sahel et qu’ils nourrissent ce dialogue dont nous avons tant besoin.Notre planète est petite. Ce qui se passe au Sahel nous concerne, comme l’Afrique est concernée par ce qui se passe en Europe.

Les grands problèmes de l’humanité sont communs. Nous devons avoir la capacité et l’humilité de transcender nos différences pour les résoudre.

Je vous remercie pour votre attention et, en vous renouvelant mes vœux de bienvenue, souhaite que vos travaux soient fructueux.

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