Restitution d’analyses des données du Grand Débat National

Jeudi 28 mars

Hôtel de Lassay
Seul le prononcé fait foi

Madame et monsieur les garants du Grand Débat,
Mesdames et messieurs les députés,
Mesdames, messieurs,

J’ai déjà dit tout le bonheur et la fierté que j’ai eu à vous accueillir.

À l’heure de conclure, je voudrais partager avec vous les leçons que je retire de ce Hackathon, mais aussi, plus globalement, de cette première phase du Grand Débat.

D’aucuns prédisaient un flop ; peut-être espéraient-ils secrètement que ce vaste échange ne fonctionne pas, que ce rendez-vous reste sans résultats parce qu’il était sans précédents : c’est le raisonnement de tous les conservateurs devant l’innovation.

Or, nous avons tous pu le constater, les Françaises et les Français se sont emparés de ce nouveau droit : le droit au débat.

J’ai participé à quelques-unes de ces rencontres, et les députés ici présents, dont je salue l’engagement, ont fortement contribué à ce qu’il y en ait plusieurs dans leur circonscription.

Dans l’immense majorité des cas, les gens ressortaient heureux d’avoir pu débattre avec d’autres personnes, différentes, mais respectueuses des uns et des autres.

Et toutes et tous concluaient en espérant qu’il y aurait d’autres occasions d’échanger. Nous le savons bien, à l’Assemblée : le plus difficile dans l’art du dialogue, ce n’est pas de parler, mais d’apprendre à écouter.

Ce succès du grand débat, les chiffres en attestent. Il y a même de quoi être saisi de vertige : 16 000 cahiers collectés, plus de 10 000 réunions d’initiative locale, près de deux millions de contributions en ligne, mais aussi plus de 10 000 courriers et contributions libres.

Une telle masse de données pourrait même faire peur. Mais ces données, il faut avoir le courage de s’en emparer. Le numérique peut véhiculer des peurs et parfois de la haine, mais son intérêt consiste au contraire à relier les citoyens entre eux, leur permettant ainsi de contribuer, d’être lu et même entendu.

Les cahiers de doléances furent les ferments d’une Révolution démocratique. Ce sont désormais les données compilées qui peuvent changer la donne.

Toute synthèse est, par nature, imparfaite. On sait depuis Du Bellay que « traduire, c’est trahir ». Mais ne pas synthétiser ce qui a été dit, ne pas consolider cette somme d’espoirs, d’idées, d’appels à la réforme, ce serait la pire des trahisons.

Il y a donc une synthèse pilotée par des Garants et je veux saluer ici la présence de Guy Canivet et d’Isabelle Falque-PiÉrotin. Ils ont piloté un travail majeur et surtout, ils ont contribué à un choix décisif : que toutes les données, les contributions, les comptes rendus soient disponibles dans un format ouvert.

Afin que tous les citoyens qui le voudront puissent, passez-moi l’expression, « soulever le capot », et voir comment était synthétisée cette extraordinaire masse documentaire.

Président de l’Assemblée nationale, j’ai donc voulu encourager toutes celles et tous ceux qui pouvaient contribuer à des lectures pointues, à des approches novatrices de ces contributions au Grand Débat.

Soyons clairs, il ne s’agissait pas de doublonner les synthèses qui seraient officielles, d’autres qui ne le seraient pas. Au contraire, le but était de multiplier les angles, les lectures, voire les questionnements, et c’est ce qui nous a été proposé ce matin.

C’est pourquoi le secours de ce que l’on commence à appeler lescivic techsest précieux. Une grande diversité d’intentions et de solutions politiques se cache derrière cette étiquette générale, mais plusieurs de ces initiatives offrent des débouchés nouveaux à la demande de transparence ou de participation exprimée par une fraction croissante de nos concitoyens.

Certes, cescivic techsprésentent aussi certaines limites qu’il convient de souligner pour chercher à les dépasser : qu’il s’agisse de leur transparence, de leur sécurité ou de la représentativité sociologique de leurs utilisateurs, elles sont largement perfectibles, mais toutes participent de ce vaste mouvement d’innovation démocratique qui caractérise la période actuelle.

En ces temps de crise politique majeure, l’imagination est de retour et c’est une bonne nouvelle.

Cette révolution des données, les projets présentés ce matin nous ont donné l’occasion de la toucher du doigt. De l’effleurer à peine. Et l’Assemblée doit s’emparer pleinement de cette évolution, de cette révolution.

En effet, dans leur travail de contrôle du Gouvernement et d’évaluation des politiques publiques, les parlementaires de tous les temps et de tous les bancs ont pâti d’un rapport de forces quelque peu inégal.

Dans les travées de l’hémicycle : des députés avec des convictions et parfois même des certitudes.

Au banc du gouvernement : les ministres, et derrière eux leurs conseillers, disposant des chiffres et des données.

Les lettres des idées contre les chiffres de la réalité, le pot de terre contre le pot de fer. Et l’on sait la morale de la fable… Mais les temps changent ! La terre se renforce, le fer se fendille…

Les données ouvertes par les ministères, leurs opérateurs ou les collectivités territoriales offrent un immense potentiel de connaissance et de simulation des politiques publiques.

L’Assemblée nationale a souhaité s’en saisir pour le Grand Débat, ce qui nous vaut le plaisir d’être ensemble ce matin. Mais notre mission constitutionnelle d’évaluation des politiques publiques peut également en sortir renforcée.

La modernisation de l’Assemblée nationale, engagée par mon prédécesseur François de Rugy et que je me suis attaché à accélérer depuis six mois, n’est pas seulement utile, elle est nécessaire.

Je dois vous avouer que, samedi dernier, voir des jeunes et même quelques moins jeunes occuper le salon où se réunit d’habitude le Bureau de l’Assemblée nationale pour hacker des données ouvertes avait quelque chose de troublant, et surtout de réjouissant.

Ainsi, à la suite du groupe de travail présidé par Jean-François ÉLIAOU et dont le rapporteur était Jean-Noël BARROT, mais aussi du groupe de travail présidé par Cécile UNTERMAÏER et Paula FORTEZA, nous avons mis en place une petite structure, pour explorer comment les données socio-fiscales disponibles pourraient permettre à chacun d’entre nous d’évaluer l’impact de l’amendement qu’il souhaite déposer.

Cette petite structure, qui porte le nom de LexImpact, a commencé à prendre contact avec vous, mes chers collègues, pour étudier vos besoins en la matière.

Bien sûr, il s’agit de commencer par des simulations simples, j’ai envie de dire « raisonnablement complexes ». Dans un premier temps, nous essaierons d’automatiser les études d’impact des amendements paramétriques portant sur l’impôt sur le revenu des personnes physiques.

Nous pourrions ensuite, comme nous l’avons vu ce matin, travailler à cartographier par avance –ex antedit-on quand on est savant –  l’impact territorial de telle ou telle mesure.

Nous verrions ainsi que la fin programmée des chaudières à fuel aura plus d’effets aux tréfonds des Hautes-Alpes que dans le centre-ville de Brest, par exemple…

Oui, nous députés, nous devons nous saisir des données du Grand Débat, comme ce matin, mais aussi de tous les débats fiscaux, sociaux, législatifs, environnementaux.

Le travail législatif gagnera forcément à partir des chiffres, à la condition de savoir s’en extraire. Car il ne faut jamais céder à la dictature du chiffre.

C’est aussi l’enseignement que je retire ce matin de vos travaux. En effet, derrière les milliers de contributions, les millions de données produites à l’occasion du Grand Débat, il ne faut jamais oublier qu’il y a des hommes, des femmes, de tous horizons, qui ont donné du temps pour s’exprimer.

Ils ont dit parfois leur colère, ils ont témoigné aussi de leurs envies ou de leurs besoins, ils ont écrit leur incompréhension de notre système, de notre enchevêtrement d’institutions, de collectivités, d’agences.

Leurs paroles, leurs écrits sont précieux.

Certes, nous pouvons et même nous devons mobiliser de l’intelligence artificielle pour faire un premier tri, pour résumer, pour synthétiser.

Mais il faut aussi et surtout écouter, entendre, comprendre – et c’est ce que vous avez fait.

Par l’action combinée du bénévolat et de l’informatique, c’est l’humain qui ressort et qui s’exprime.

Les Françaises et les Français doutaient, au sens cartésien du terme, que leur parole soit prise en compte.

Vous nous donnez les moyens de mieux les entendre, de mieux les lire et, finalement, de mieux leur répondre. Pour tout cela, au nom de l’Assemblée nationale, je vous remercie.

Ces dernières semaines ont surgi des questions, des doutes profonds sur la démocratie représentative. Il nous faut les entendre.

Ont aussi retenti çà et là des formules simples, voire simplistes : démocratie directe, RIC, mandat révocatoire…

Bref, la tentation du « Y-a-qu’à » est forte en ce moment. Il serait irresponsable d’y céder. Écouter toutes et tous, cela pousse à la modestie, mais aussi à comprendre que le monde est complexe et la France peut être un peu plus que d’autres.

Les solutions aussi sont complexes, il faut avoir le courage de le dire.

L’Assemblée ne doit jamais devenir conservatrice. Laissons cela à d’autres. Ne rien changer serait injuste et même injustifiable.

Les Français nous l’ont dit, dès 2017 ! Et il ne faudra jamais oublier les Françaises et les Français qui se sont tus, et ceux qui n’ont pas su l’écrire.

Or, les attentes de nos concitoyens sont contradictoires. Tous souhaitent le changement à condition qu’il concerne les autres. Comme l’écrivait Maurice Blanchot : « La réponse est le malheur de la question. »

Toute réponse apportée par l’Exécutif ou le Législatif sera jugée insuffisante. Pour autant, il faut répondre, bien sûr. Et c’est l’une des plus belles responsabilités de l’Assemblée que de pouvoir proposer des lois.

Nous allons, dès la semaine prochaine, délibérer sur les quatre grands sujets mis en débat par le Président de la République. Volontairement, les députés se sont tus dans la phase de contribution.

À nous maintenant de nous montrer à la hauteur des attentes exprimées par les Françaises et les Français. À nous de quitter les postures trop convenues, à nous d’éviter les excès de langage.

J’aspire à ce que les députés s’emparent pleinement du Grand débat, pour relayer dans l’hémicycle la parole de leurs concitoyens.

C’est d’ailleurs pour cela que j’ai décidé d’éditer et de leur distribuer les 577 contributions issues de « la grande lecture » présentée ce matin. Elles doivent être utiles aux députés de tous les bancs. À nous de nous en saisir, pour agir !

À mon initiative, les 2 et 3 avril prochains, puis le 9 avril, les 577 députés, après les deux millions de Français, vont faire ce qui est la marque d’une démocratie, depuis plus de deux siècles : débattre puis décider.

Mais l’on sait depuis Alexis de Tocqueville que « dans les démocraties, chaque génération est un peuple nouveau ».

La génération présente, votre génération est peut-être plus exigeante, plus impatiente et je persiste à penser que c’est une bonne nouvelle. À l’Assemblée nationale d’être ouverte et audacieuse.

Mesdames et messieurs, aujourd’hui comme samedi, vous nous y incitez et encouragez : au nom de toute la représentation nationale, je vous en remercie.

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