Clôture du colloque organisé pour les dix ans de Terra Nova

Mercredi 3 octobre

Clôture du colloque organisé pour les dix ans de Terra Nova
(seul le prononcé fait foi)
Assemblée nationale – Mercredi 3 octobre 2018

Madame la commissaire européenne,
Monsieur le Président, cher Lionel Zinsou,
Monsieur le directeur général, cher Thierry Pech,
Mesdames et messieurs les députés, chers collègues,
Mesdames, messieurs,

Je suis heureux de vous rejoindre pour clôturer ce colloque organisé par Terra Nova dans les locaux de l’Assemblée nationale. Je dis bien « clôturer » et non « conclure », car je n’ai pas une telle prétention : d’ailleurs, les questions que vous posez ne sont pas de celles qu’on peut résoudre en quelques minutes de parole.

Quel est l’avenir de la démocratie en Europe et dans le monde ? Une économie sociale de marché est-elle encore possible aujourd’hui ? La défiance des citoyens a-t-elle gagné le champ économique ? Autant de grandes problématiques que vous avez analysées, pour tenter de trouver des pistes sur lesquelles pourrait s’engager notre pays.

Or, ces questions se posent aussi à nous, en tant que responsables politiques. Dans nos permanences, dans nos échanges avec les Françaises et les Français, nous sommes quotidiennement  confrontés aux peurs et aux espoirs de notre temps. Aux peurs surtout, exploitées avec cynisme par les professionnels du catastrophisme et de la démagogie : obscurantisme, populisme et xénophobie nous assaillent de toutes parts et nous constatons chaque jour l’état de désorientation dans lequel se trouve notre société.

D’un côté, le doute et le ressentiment semblent condamner d’avance toute solution politique ; de l’autre pourtant, les citoyens nous somment d’agir et de réformer nos structures, pour bâtir la démocratie du XXIe siècle.

Car nos sociétés européennes, et c’est heureux, ne sont pas nihilistes. Conscientes des évolutions en cours et des enjeux contemporains, elles ne sombrent pas dans le désespoir et l’abandon, mais cherchent la voie d’un renouveau.

Dire quelle voie, pour quel renouveau, ce sera l’honneur de celles et de ceux qui auront réfléchi aux possibilités qu’offre notre époque, mondialisée, connectée, métissée. Ce sera la grandeur des penseurs et des universitaires qui verront comment transformer les contraintes en opportunités, pour mondialiser la démocratie, exporter l’équité, instituer la citoyenneté numérique. En un mot : donner un horizon moderne aux idées de justice et de solidarité.

En dix ans, Terra Nova a beaucoup travaillé en ce sens. Un travail fin, subtil, mais aussi collectif et ordonné, au service d’une idée trop longtemps délaissée : le progrès.

Progressistes, vous l’êtes parce que vous souhaitez une société plus juste qui reconnaisse et garantisse l’éminente dignité de chacun, et vous savez que ce modèle se construit dans la durée.

Les slogans réducteurs et les solutions simplistes n’ont pas cours à Terra Nova. Au contraire, vous avez su construire un espace de dialogue laissant s’exprimer la complexité : vous n’avez pas voulu d’une parole solitaire et monolithique, mais adopté une démarche de diagnostic partagé associant syndicats, militants, intellectuels, tous engagés dans le processus de rénovation de notre société. Au moment où les populismes gagnent partout du terrain, vous défendez les droits de la raison et de la délibération, nos seules vraies ressources pour appréhender un monde complexe et le transformer dans un sens humaniste.

Exercice d’autant plus délicat que la réflexion politique n’est jamais purement abstraite. Penser le changement, c’est d’abord penser le réel, autrement dit analyser le monde tel qu’il est, avec toutes ses contradictions. C’est l’appréhender en sachant s’extraire soi-même de son contexte, car le Finistère ne ressemble pas à Paris et ne peut être pensé selon les mêmes critères que la capitale. C’est savoir sortir des dogmes et des cadres de pensée trop bien établis. C’est prendre en considération l’esprit des lieux et des peuples, en connaître les méandres et les archaïsmes, mais aussi les mythes, les passions, qui peuvent devenir les leviers mêmes de la transformation politique et sociale.

En janvier 2017, qui aurait pu prédire l’ampleur du renouvellement qui s’est opéré durant le cycle électoral de la présidentielle et des législatives ? Nous savions, vous saviez, que la crise civique était profonde ; nous savions, vous saviez, que nos cadres institutionnels ne répondaient plus aux exigences présentes. Mais la rapidité et l’ampleur des évolutions intervenues ont surpris jusqu’aux observateurs les plus avisés : une assemblée renouvelée aux deux tiers, rajeunie, féminisée à 40 %, c’est plus qu’un symbole, c’est une mutation en actes, qui en annonce beaucoup d’autres.

Où en sommes-nous aujourd’hui ? À la veille du 60e anniversaire de la Constitution, la célébration de la Ve République et de son bilan coïncide avec la relance d’un processus de révision absolument nécessaire. Pour ma part, je soutiens pleinement les réformes institutionnelles engagées, parce qu’elles visent à reconquérir la confiance des citoyennes et des citoyens. En tant que président de l’Assemblée nationale, je veux moderniser l’institution qui m’a été confiée, par exemple en la dotant des outils d’expertise qui lui manquent aujourd’hui pour faire de la prospective, pour évaluer les lois en vigueur et contrôler les effets des lois nouvelles.

Dans nos fonctions de législateur, on retrouve ce lien entre l’idéal et le réel que j’évoquais tout à l’heure, et qu’un certain Jean Jaurès avait déjà théorisé devant les lycéens d’Albi, en 1903. Je ne vous infligerai pas la citation qui est déjà dans tous les esprits, je rappellerai simplement que, dans le même discours, le grand orateur disait ceci : « Dans notre France moderne, qu’est-ce donc que la République ? C’est un grand acte de confiance. Instituer la République, c’est proclamer que des millions d’hommes sauront tracer eux-mêmes la règle commune de leur action ; qu’ils sauront concilier la liberté et la loi, le mouvement et l’ordre ; qu’ils sauront se combattre sans se déchirer… »

Beau programme, que j’ai toujours fait mien et qui, je le crois, est aussi le vôtre. La confiance, que Jaurès plaçait donc au fondement du pacte républicain, cette confiance ne se décrète pas : elle se mérite, elle se gagne, par un travail incessant de réflexion et de proposition, par des lois raisonnées qui trouvent des traductions concrètes dans la vie de la cité, par un engagement visible au service de la collectivité.

Il faut aussi communiquer, car que vaudrait une avancée dont on ne parlerait pas ? Mais la communication n’est pas la fin de l’action publique, seulement un moyen qui ne saurait se substituer au fond. Le Gouvernement et la majorité sont aujourd’hui dans l’action, pour que les lois aient un effet sensible et tangible sur l’ensemble du territoire, pour rompre avec le sentiment d’impuissance publique et de vanité qui a trop longtemps miné notre République.

Dans ce travail, nous savons à quel point sont précieux les contenus, les études de fond qu’élabore un think tank comme le vôtre. À nous, responsables politiques, de savoir nous saisir des bonnes idées, de nous inspirer des travaux savants pour légiférer. C’est pourquoi je suis heureux que votre colloque ait eu lieu à l’Assemblée nationale, lieu de débat par excellence, lieu de décision aussi, lieu de brassage intellectuel enfin. Tout au long de ma présidence, vous serez les bienvenus dans ces murs, où la pensée, la recherche, l’intelligence trouveront toujours à éclore.

Faire du Palais-Bourbon l’incubateur des idées neuves, c’est une ambition élevée que j’assume, car c’est aussi une nécessité vitale pour notre société. C’est également un objectif, je le crois, qu’aurait approuvé notre cher ami Olivier Ferrand : je pense à lui souvent et regrette que l’Assemblée nationale ait été trop tôt privée d’un tel talent. Vous continuez son œuvre et je vous en remercie.

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