Ouverture de la 30e Journée du livre politique

Samedi 3 juillet

Hôtel de Lassay
Seul le prononcé fait foi 

Messieurs les Présidents,

Mesdames et messieurs les députés, chers collègues,

Madame la Présidente du jury, Monsieur le Président du jury,

Mesdames et messieurs les membres du jury,

Chère Luce Perot, chers auteurs,

Mesdames, messieurs,

C’est un grand bonheur de vous retrouver ici, de renouer enfin avec la tradition, pour cette 30e édition de la Journée du livre politique.

L’année dernière, les circonstances nous avaient obligés à réduire la voilure, mais nous avions tout de même maintenu ce rendez-vous annuel et nous avons eu raison de le faire. Car notre République a besoin des livres et de leurs auteurs qui entretiennent ce qui en fait toute la vitalité : l’esprit public.

Cette année, c’est donc avec la solidité d’une institution que la Journée du livre politique reprend ses droits à l’hôtel de Lassay, et je m’en réjouis.

Je m’en réjouis d’autant plus que l’esprit public est en pleine crise existentielle aujourd’hui, et que nous recherchons des solutions pour revivifier, renforcer, relancer la grande idée républicaine héritée de la Révolution, aujourd’hui confrontée à de nouveaux défis.

Cette année, vous le savez, le Parlement a débattu de la grave question du séparatisme, ce qui était une manière de poser au présent la question lancinante de la République « une et indivisible ».

Car que serait une République « divisible », qu’on pourrait fractionner en groupes identitaires rivaux, prétendant avoir chacun sa propre loi ? Il n’y aurait plus de société, plus d’État et sans doute plus d’entente possible entre des populations se disputant des prérogatives concurrentes sur un même sol. Ce serait infernal et dangereux. Je le dis sous le contrôle érudit de Pascal Ory qui, en se demandant « Qu’est-ce qu’une nation ? », appelle notre attention sur le moment fondateur où « un peuple devient le Peuple » – avec un grand P.

Pour autant, l’unité et l’indivisibilité de la République ne signifient pas son uniformité. Nous avons besoin d’être unis parce que nous sommes différents, et notre union est comme un alliage de métaux, d’autant plus solide qu’il se compose d’éléments divers, de natures et de provenances multiples.

Il faut donc, comme nous y invite Jean Birnbaum, avoir « le courage de la nuance » et ne pas se contenter d’oppositions simplistes.

Oui, on peut être un bon républicain et aimer son terroir, voire parler une langue régionale…

On peut aussi être un vrai laïc tout en restant croyant, si les convictions religieuses n’emportent pas tout et ne servent pas de prétextes à déchirer le pacte social.

On est un bon républicain, je le crois, en ayant conscience de ses limites, en renonçant à se croire le centre de tout et en acceptant au contraire de se décentrer pour comprendre les apports des autres. Or, pour se décentrer ainsi, le meilleur moyen reste de lire.

Ne nous laissons pas subjuguer par cette « apocalypse cognitive » que dépeint si bien Gérald Bronner et qui, par un de ces paradoxes qu’aiment à relever les sociologues, subvertit notre liberté par l’excès d’influx, d’infos et d’intox… Pour conserver toute notre raison, il faut lire des livres et pas seulement des tweets, même si certains peuvent être drôles.

Car ce se sont bien les livres qui nous ouvrent des perspectives, qui nous aident à nous situer dans l’immensité, qui nous rappellent toutes les ressources de l’esprit humain. Ce sont les livres qui ont préparé l’avènement des idées de tolérance et d’humanisme, préfiguratrices de notre démocratie.

C’est pourquoi j’aime les livres, celles et ceux qui en écrivent, celles et ceux qui les éditent. Leur travail est essentiel, y compris et surtout quand ils font œuvre critique, car c’est renforcer la République que de se pencher sur ce qui la menace, de douter, d’analyser et d’alerter.

J’ai évoqué le séparatisme mais je voudrais dire, au lendemain d’élections qui furent ce qu’elles furent, que l’abstentionnisme est un séparatisme. Se retrancher du peuple citoyen, considérer qu’on n’a pas besoin de prendre parti ni de concourir au choix des dirigeants, ce n’est pas s’abstenir passivement, c’est agir : agir contre la démocratie, en sapant sa légitimité. Les abstentionnistes en ont-ils conscience, est-ce bien cela qu’ils veulent ? Ou adressent-ils un message plus complexe à la collectivité, dont ils ne se sentent plus partie prenante ?

Le niveau de l’abstention est tel aujourd’hui, à tous les scrutins, y compris professionnels, que j’ai souhaité prendre l’initiative.

Comme vous le savez, une mission d’information vient d’être constituée pour examiner les ressorts et les causes de l’abstention, en vue de trouver les moyens de remobiliser les électeurs. C’est une véritable enquête que va mener cette mission d’information et pour cela, elle aura besoin d’auditionner : sociologues, politologues, historiens, géographes, juristes, intellectuels de tous horizons nourriront la réflexion des parlementaires, pour faire entrer notre République dans un nouvel âge de la démocratie.

Au fond, nous qui écrivons la loi ne faisons que transcrire en droit les idées de ceux qui écrivent des livres. Les Encyclopédistes ont inspiré la Déclaration de droits de l’Homme et du citoyen, les romantiques ont annoncé les libertés démocratiques du XIXe siècle, les intellectuels qui ont voulu conjurer le péril totalitaire ont obtenu la protection des droits des minorités…

Un vote électronique a d’ailleurs été organisé, à l’occasion de cette 30e Journée du livre politique, pour mettre en valeurs les grandes lois de ces trente dernières années : or, nous savons que derrière chaque grande loi, il y a des penseurs, des militants, des citoyens qui s’engagent pour faire évoluer notre législation. En septembre prochain, d’ailleurs, nous célébrerons le 40e anniversaire de l’abolition de la peine de mort : une réforme conçue et demandée par nos grands écrivains, nos philosophes, et qui finit par devenir réalité, malgré les préjugés.

« À un certain moment, constatait un abolitionniste comme Victor Hugo, l’utopie est maniable ; c’est là que le philosophe la quitte et que l’homme d’État la prend, l’homme d’État n’étant que le deuxième ouvrier. Il n’est rien qui ne débute par l’état visionnaire. »

Vous voyez l’écrasante responsabilité qui pèse sur les épaules de nos penseurs contemporains : les institutions de demain, les politiques du futur sont déjà en germe dans les écrits qu’ils nous livrent aujourd’hui.

D’ailleurs, cher Pascal Ory, la ’Pataphysique n’est-elle pas la science des solutions imaginaires ? Et c’est peut-être d’une ’Patapolitique dont avons sans doute besoin pour avancer.

Plus sérieusement, ce processus d’instillation des idées que je décrivais est toujours à l’œuvre aujourd’hui et c’est pourquoi je suis attaché à l’intensifier en rapprochant, ici même, auteurs et législateurs, afin de répondre à des questions aussi cruciales que celle qui nous est posée cette année : « La République est-elle toujours une et indivisible ? »

Par un beau jour de juillet, en 1793, nos prédécesseurs de la Convention avaient cru trouver une solution simple au problème. Ils votèrent une loi instituant une « fête de l’Unité et de l’Indivisibilité »…

Cette loi semblait tombée en désuétude, mais aujourd’hui je m’aperçois que cette fête existe bel et bien : c’est la Journée du livre politique !

Je remercie donc Luce Perrot et toute son équipe pour l’organisation de ce moment à part de notre vie publique, comme je remercie tous les auteurs ici présents pour le temps qu’ils consacrent à nos échanges.

Enfin, sans dévoiler le résultat de leurs délibérations, je salue les membres du jury et leur présidente, Caroline Fourest, qui ont eu la lourde tâche de distinguer les ouvrages les plus conseillés pour bien légiférer...

Je vous remercie, et je donne la parole à M. Gilles Mentré, cofondateur d’Electis, qui va nous présenter le projet « 30 ans, 30 lois ».

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