Hôtel de Lassay
Seul le prononcé fait fois

Monsieur le secrétaire général de l’Assemblée parlementaire de la Francophonie, cher Jacques Krabal,
Monsieur le président du groupe La Poste, cher Philippe Wahl,
Mesdames, messieurs,

Il y a quatre cents ans jour pour jour, le 8 juillet 1621, naissait Jean de La Fontaine. 

Par un signe du destin, l’un des écrivains français les plus lus et les plus traduits au monde est né à Château-Thierry, dont le député, cher Jacques Krabal, est aussi un grand militant de la Francophonie. Toutes les conditions se trouvent donc réunies pour que cet anniversaire trouve écho ici même, à la présidence de l’Assemblée nationale, où je suis heureux de vous accueillir.

Au temps de La Fontaine, bien sûr, la démocratie parlementaire n’existait pas en France et lui-même ne semblait guère s’en préoccuper, quoique nous lui devions tout de même l’expression célèbre de « train de sénateur », qu’il appliquait à la tortue…

Mais il s’agissait d’une référence au Sénat de l’ancienne Rome et je n’en abuserai pas. 

Quant aux députés, ils sont évidemment absents de ses Fables, et pourtant Jean de La Fontaine était un fin politique, à qui nous devons quelques maximes, toujours utiles aujourd’hui.

Disciple d’Ésope, il savait que la langue était à la fois la meilleure et la pire des choses, et grâce à lui, depuis notre plus tendre enfance, nous apprenons que « tout flatteur vit aux dépens de celui qui l’écoute ».

Le renard, fin dialecticien, est encore à la manœuvre dans Les animaux malades de la peste, où nous trouvons, sur fond de pandémie, un premier exemple de délibération entre l’exécutif, incarné par le lion, et les représentants de la population. 
« Sire, dit le Renard, vous êtes trop bon roi ; / Vos scrupules font voir trop de délicatesse » … Le contrôle démocratique a fait des progrès depuis, et en se montrant plus exigeant, a fait progresser l’équilibre des pouvoirs. 

Dans la fable, c’est le malheureux âne qui paie, et le bon La Fontaine montre que sa verve pouvait se faire, à l’occasion, satirique et critique : « Selon que vous serez puissant ou misérable / Les jugements de cour vous rendront blanc ou noir. »

Au temps de La Fontaine, il est vrai, le Palais Bourbon n’existait pas pour garantir l’égalité des droits : il n’y avait ici qu’une vaste zone humide que les Parisiens appelaient « la Grenouillère », ce qui évoque irrésistiblement la délicieuse fable des Grenouilles qui demandent un roi. 

Souvenez-vous : « Les Grenouilles, se lassant / De l'état démocratique, / Par leurs clameurs firent tant / Que Jupin les soumit au pouvoir monarchique. / Il leur tomba du ciel un Roi tout pacifique » … 

Hélas, vous connaissez les grenouilles, jamais contentes, toujours enclines à se faire plus grosses que le bœuf… Elles se plaignent de leur bienveillant monarque et Jupiter leur envoie, pour le remplacer, une grue qui les dévore toutes crues. Vous auriez dû, leur dit une voix jupitérienne, « Garder votre gouvernement ; / Mais ne l'ayant pas fait, il vous devait suffire / Que votre premier Roi fût débonnaire et doux : / De celui-ci contentez-vous, / De peur d'en rencontrer un pire. » Sage conseil, quatre siècles plus tard, à la veille d’une échéance présidentielle…

Cher Philippe Wahl, je me félicite donc que, pour les quatre cents ans de la naissance de Jean de La Fontaine, le groupe La Poste – et en son sein Philaposte – aient prévu d’honorer la mémoire de notre fabuleux fabuliste.

Grâce au talent de Christophe Laborde Balen, ici présent, que je salue, l’univers familier des Fables va trouver bientôt sa traduction philatélique : et ce sera un plaisir en même temps qu’un honneur de dévoiler le bloc de timbres commémoratifs que vous mettez aujourd’hui en circulation.

Ainsi, cher Jacques Krabal, des lettres affranchies aux couleurs des Fables vont pouvoir circuler à travers toute la Francophonie : c’est pourquoi je vous donne la parole.