Hommage à Claude Lanzmann

Vendredi 5 juillet

Cimetière du Montparnasse
Seul le prononcé fait foi

 

Madame l’Ambassadrice,
Monsieur le Président de la Fondation pour la mémoire de la Shoah,
Chère Dominique Lanzmann, qui avez pris l’initiative de nous réunir tous ici aujourd’hui,
Mesdames, messieurs, chers amis,

Il y a un an, il nous quittait. Et pourtant, notre présence ici le montre, Claude Lanzmann reste présent dans nos mémoires et, plus encore, dans la mémoire collective de la France.

Ce n’est donc pas seulement à titre personnel que je prends la parole ce matin. C’est au nom de la Représentation nationale que je veux saluer Claude Lanzmann : saluer l’homme, le résistant, le journaliste, et aussi saluer l’œuvre, sans laquelle les générations qui n’ont pas vécu la guerre en ignoreraient sans doute l’aspect le plus atroce et le plus singulier.

La Shoah, au lendemain de la guerre, on n’en parlait pas. Le mot même n’avait pas pris ce sens que nous lui connaissons aujourd’hui et on ne le trouvait pas dans les dictionnaires français.

Volonté de tourner la page, pudeur des survivants, crainte de l’incrédulité ou de l’incompréhension : ceux qui savaient se taisaient.

Et puis, comment raconter l’indicible ? Comment analyser l’impensable ? « Pour la première fois, nous nous apercevons que notre langue manque de mots pour exprimer cette insulte : la démolition d’un homme », constatait Primo Levi lui-même.

Claude Lanzmann, pourtant, n’était pas homme à se satisfaire du silence. Les témoins de la folie génocidaire ne pouvaient rester muets, il le sentait bien.

Il collecta donc, avec respect, avec sérieux, mais aussi avec passion et détermination, conscient d’accomplir un devoir, tous les témoignages possibles. Pour qu’ils ne se perdent pas. Pour que la nuit de l’oubli ne tombe pas sur les victimes, ni n’exonère les bourreaux. Pour que l’horreur passée soit patente et connue, pour qu’il n’y ait plus jamais pareille Catastrophe.

Pour ce travail de mémoire, je suis venu lui dire « merci ». Le nazisme, l’antisémitisme, il les a combattus deux fois dans sa vie : jeune homme, les armes à la main ; et plus tard, derrière la caméra, ce qui demandait aussi du courage, un autre courage.

Bien sûr, ne soyons pas naïfs : l’antisémitisme, aujourd’hui, n’a pas désarmé. On le retrouve dans les discours ultranationalistes comme dans les prédications fondamentalistes, en Europe et en Amérique aussi bien qu’en Orient.

Mais l’antisémitisme, grâce à Claude Lanzmann, ne peut plus avancer masqué. Nous connaissons son vrai visage, sa vraie nature qui est criminelle et destructrice. Nous avons les mots, les témoignages, les matériaux pour enseigner ce qu’il veut et vers quoi il tend.

Aussi est-il de notre responsabilité, comme dirigeants politiques, comme représentants de la nation, de faire que le legs de Claude Lanzmann vive, au sein de notre jeunesse, comme dans la façon dont nous conduisons les affaires du pays.

Car l’œuvre de Claude Lanzmann est profondément politique, au sens le plus profond de ce terme : elle nous apprend à bâtir une société qui ait pour double exigence la dignité et l’humanité.

Nous sommes plus forts, en somme, parce qu’il eut le cran d’aller interroger ce qui avaient connu l’extrême faiblesse et qui se sont relevés, ceux qui avaient subi l’extrême injustice et s’étaient reconstruits, ceux qui avaient connu l’enfer et en étaient revenus.

Ce travail de mémoire accompli par Claude Lanzmann est d’une telle puissance qu’il risquerait même de nous faire oublier tout le reste : les combats du résistant, le grand-officier de la Légion d’Honneur, le père, le mari, l’écrivain, le sartrien qui anima Les Temps modernes et en devint le pivot…

Tout cela aussi, ce fut la vie de Claude Lanzmann : une vie dans le siècle, aux prises avec les grands débats et les grands choix.

Communisme, existentialisme, sionisme, antifascisme : Claude Lanzmann n’a pas voulu traverser son époque dans la neutralité de l’académisme. Il s’est engagé, il s’est mis en avant, il a assumé ses choix comme ses déceptions.

Oui, il a vécu, pour lui et pour nous, éveillant les esprits, cherchant la lumière pour mieux la partager.

Il fut un grand vivant et c’est, ce matin, ce que je voudrais retenir de lui. Comme il l’écrivit lui-même : « Je ne suis ni blasé ni fatigué du monde, cent vies, je le sais, ne me lasseraient pas. »

Merci, Claude Lanzmann : merci de nous avoir communiqué une part de cette énergie, de cette vitalité qui fut la vôtre et qui nous renforce.

Je vous remercie.

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