10e anniversaire de la Délégation parlementaire au renseignement

Jeudi 22 novembre

Hôtel de Lassay
seul le prononcé fait foi

 

Madame la présidente de la Délégation parlementaire au renseignement, chère Yaël,
Mesdames et messieurs les parlementaires de France et d’Europe, chers collègues,
Mesdames et messieurs les anciens présidents de la DPR,
Monsieur le Coordonnateur national du renseignement et de la lutte contre le terrorisme,
Messieurs les Directeurs et Directeurs généraux,
Mesdames et messieurs,

« Un des avantages du service secret, c’est qu’on n’y est pas tracassé par les arrêtés de comptes », se réjouissait Kipling dans un classique de la littérature d’espionnage,Kim ; et il ajoutait : « … Les fonds sont administrés par quelques hommes qui n’ont point à produire de garants ou à présenter de comptes au visa. »

Je vous rassure, c’était en 1900 et de telles conceptions n’ont plus cours dans les grandes démocraties occidentales.

La France, il est vrai, a longtemps résisté…Depuis le Secret du roi, sous Louis XV, une tradition de totale opacité s’était installée jusque dans les espritset il allait de soi que les services ne pouvaient prospérer que dans le noir.

Les conséquences en furent pour le moins funestes, y compris pour nos services eux-mêmes : connus exclusivement par leurs échecs, seules opérations portées sur la place publique, les services de renseignements français acquirent dans l’opinion et la classe politique une image fausse et ternie, ce qui joua d’ailleurs au détriment de leurs crédits et de leur recrutement.

Bien sûr, certains parlementaires eurent toujours une connaissance plus fine de nos services et je m’en voudrais de ne pas saluer la mémoire du sénateur Cuvinot, polytechnicien, qui après la défaite de 1870 dota la France d’un contre-espionnage digne de ce nom. Plus près de nous, mon prédécesseur à la présidence de l’Assemblée nationale, Achille Péretti, connaissait intimement les rouages du renseignement français, lui l’ancien du 2e Bureau, fondateur du réseau Ajax sous l’Occupation. Et si Jacques Soustelle, patron de la Direction générale des services spéciaux du général de Gaulle en 1943, devint plus tard député de la Mayenne puis du Rhône, ce fut à un député de l’Allier, Henri Ribière, que fut confié le SDECE aux débuts de la IVe République.

Malgré ces brillantes exceptions,l’incompréhension régna longtemps entre les hommes de l’ombre et les parlementaires qui, parfois, recherchent la lumière.De l’affaire Dreyfus à l’affaire Ben Barka, une défiance s’était installée en France entre monde politique et monde du renseignement. On a peine à l’imaginer aujourd’hui, mais le programme du candidat Mitterrand, en 1981, prévoyait la suppression pure et simple du renseignement intérieur, assimilé à une simple police politique.

Que de chemin parcouru depuis,grâce à des échanges fructueux, comme ceux qui vont intervenir aujourd’hui.

Je me réjouis donc de cette rencontre qui associe hauts responsables du renseignement et parlementaires, Assemblée nationale et Sénat confondus, et ce dans un esprit d’ouverture et de pluralisme politique. De tels moments sont nécessaires à une bonne compréhension mutuelle, celle qui a rendu possible la naissance de notre Délégation parlementaire au renseignement, dont nous fêtons le 10e anniversaire.

Comme le déclarait Michel Rocard à la presse le 6 mars 2008, « le renseignement est l’un des investissements les plus rentables de l’État. Il est l’une des fonctions fondamentales de la sécurité nationale de tout État de droit et constitue une condition nécessaire à la prospérité du pays. »

C’était au moment où la DPR entrait en activité, quelques mois après la loi du 9 octobre 2007 dont je veux nommer les rapporteurs : à l’Assemblée nationale, Bernard Carayon pour la commission des lois, saisie au fond, et Yves Fromion pour la commission de la Défense, saisie pour avis ; au Sénat, René Garrec pour la commission des Lois et Serge Vinçon, qui n’est plus parmi nous aujourd’hui, pour la commission de la Défense.

La DPR a démontré qu’il n’y avait finalement pas d’antinomie entre les exigences de contrôle d’une société démocratique et la conservation du secret, vitale pour les services de renseignement.

Les assemblées ont ainsi fait l’apprentissage d’une nouvelle fonction,dans un cadre novateur qui associe les deux chambres du Parlement.

Son travail a permis de rassurer la communauté du renseignement en montrant ce que le contrôle parlementaire pouvait apporter, sans compromettre l’efficacité du travail effectué. Pour ce beau résultat, je veux saluer le tact et le discernement des premiers présidents : Guy Tessier, Jean-Jacques Hyest, Jean-Luc Warsmann, Josselin de Rohan et Jean-Pierre Raffarin, qui ont connu la DPR dans cette période pionnière.

Cette première phase a rendu possible la grande réforme prévue dans la loi de programmation militaire pour 2014-2019,qui a renforcé substantiellement les compétences de la DPR. Alors que celle-ci se consacrait initialement au « suivi de l’activité générale et des moyens des services spécialisés », elle exerce maintenant une mission de « contrôle et d’évaluation de l’action du gouvernement en matière de renseignement ».  Saluons Patricia Adam et Jean-Pierre Sueur pour la réussite de cette mutation, qui doit aussi beaucoup à Jean-Jacques Urvoas et à Patrice Verchère.

Par ailleurs, l’importante loi du 24 juillet 2015 relative au renseignement a donné une nouvelle extension aux possibilités de contrôle de la Délégation, en élargissant considérablement le périmètre des personnes susceptibles d’être entendues.

Aux termes de ces évolutions, comme le montreront sans doute les travaux de la première table ronde,la DPR est progressivement devenue un acteur reconnu dans le monde du renseignement.Ainsi, son rapport annuel, en trouvant la voie entre transparence démocratique et confidentialité, nous fournit non seulement de précieuses informations, mais aussi des pistes de réflexion pour améliorer l’existant.

S’il ne fallait donner qu’une preuve de son utilité, le bilan dressé par la DPR montre que les recommandations contenues dans ses rapports ont été majoritairement prises en compte : 11 préconisations sur les 13 formulées dans le rapport 2016 ont été complètement ou partiellement prises en compte, et 24 sur les 29 émises en 2015.

Le temps est donc certainement venu, comme l’a fait la délégation dans son rapport pour 2017, de s’interroger sur les évolutions possibles de ses compétences et des modalités de son contrôle : tel est d’ailleurs l’objet de la seconde table ronde.

Un contrôle démocratique efficace des activités de renseignement est plus que jamais nécessaire.Menaces terroristes,  espionnage, prolifération des armes de destruction massive, cybercriminalité : le contexte justifie pleinement que la politique publique du renseignement demeure prioritaire et vous savez que ses crédits progressent notablement. Une vague de recrutement sans précédent est lancée, qu’il s’agisse du renseignement extérieur ou du renseignement intérieur.

Cette évolution va de pair avec la façon dont nous concevons aujourd’hui le renseignement : comme une politique publique assumée et non plus cachée, à l’image de ce qui se passe chez nos  voisins européens.Je remercie, à cet égard, nos collègues de Belgique et d’Allemagne d’avoir fait le déplacement, pour nous décrire les solutions trouvées dans leurs Parlements nationaux.

En France, les acquis de ces dix dernières années doivent être préservés et consolidés.

Acquis dans l’établissement de liens de confiance avec la communauté du renseignement :tout élargissement des compétences de la DPR ne peut se faire qu’au terme d’une concertation approfondie avec elle, dans le strict respect des compétences exclusives dévolues à l’exécutif et des nécessités opérationnelles. Il ne saurait être question de fragiliser la position des agents ou les opérations en cours.

Acquis dans le savoir-faire de la DPR :si certains domaines mériteraient une plus grande attention, comme le renseignement d’intérêt économique, la meilleure solution serait de formaliser cette dimension au sein de la DPR, qui comporte déjà en son sein une commission de vérification des comptes spéciaux et pourrait abriter demain d’autres structures spécialisées. D’ailleurs, dans son rapport d’activité de 2017, la DPR s’est précisément intéressée à ce sujet capital.

Fort de ces acquis, il vous appartient de discuter aujourd’hui des axes possibles de réforme.

Avant de laisser la parole à Yaël Braun-Pivet, je veux enfin, et surtout, rendre hommage à celles et ceux qui, quel que soit leur ministère de tutelle, par le renseignement apportent leur contribution à la sécurité publique et à la stabilité de notre pays.

Sur le territoire national ou bien en opérations extérieures, par leur professionnalisme, leur courage et leur dévouement, ils combattent le terrorisme ainsi que toutes les autres menaces qui pèsent sur nous. Je salue l’engagement de ces femmes et de ces hommes qui, au quotidien, nous protègent.

Je vous remercie.

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