Discours aux élus bretons à l’occasion du 101e Congrès des maires et présidents d’intercommunalité de France

Mardi 20 novembre

seul le prononcé fait foi

Monsieur le ministre de l’Europe et des Affaires étrangères, cher Jean‐Yves,
Monsieur le président du conseil régional de Bretagne, cher Loïg,
Messieurs les présidents de conseil départemental,
Mesdames et Messieurs les parlementaires, mesdames et messieurs les élus,
Mesdames et Messieurs,
Chers amis,

J’aimerais trouver les mots justes pour vous dire combien c’est un bonheur autant qu’un honneur de recevoir, à l’occasion du congrès des Maires, autant d’élus bretons.

L’Assemblée nationale siège au Palais‐Bourbon depuis 1798, mais elle est née à Versailles, dès 1789, quand les États généraux se transformèrent en Assemblée nationale sous l’action du fameux « Club breton », qui deviendra plus tard – ironie de l’histoire – le Club des Jacobins : les élus de notre territoire, déjà, se rassemblaient pour préparer à l’avance les débats, ce qui leur donna une influence considérable…

Bref, on peut se le dire entre nous en toute objectivité : ce sont les Bretons qui ont créé l’Assemblée nationale ! Vous êtes, nous sommes donc chez nous au Palais‐Bourbon.
Nous sommes ici à la Galerie des Fêtes, achevée en 1848 dans le style clinquant de l’époque pour relier le Palais Bourbon à l’Hôtel de Lassay.

A l’exception de rares cérémonies, il ne s’y déroule plus guère de fêtes même si le parquet pourrait permettre à des danseurs de gavotte de donner libre cours à leur talent.

Chers collègues, y a‐t‐il en démocratie un plus beau mot que celui d’« élu » ? Nous savons ce que cela veut dire, d’être choisi, désigné, à l’issue d’une élection : nous sommes tous des élus du peuple – même si, moi, j’ai essayé deux fois d’être élu maire sans jamais y parvenir…

Je m’en console ici, car l’Assemblée nationale est à la nation ce que le conseil municipal est à la commune, le conseil départemental au département et le conseil régional à la région : dans les moments difficiles, c’est nous tous la République !

En effet, être élu, être responsable, ce n’est pas souffler sur les braises, mais éteindre les incendies. Comme l’écrivait Antoine de Saint‐Exupéry, dans Terre des hommes : « Être homme, c'est précisément être responsable. C'est sentir, en posant sa pierre, que l'on contribue à bâtir le monde. »

La Bretagne est une pointe avancée. Au sens géographique, mais aussi économique, culturel, environnemental. Et je crois que ce n’est pas tout à fait un hasard, si c’est un Breton qui représente la France, partout dans le monde. Je veux bien sûr saluer Jean‐Yves Le Drian, qui incarne si bien cet esprit breton, tourné vers l’avenir et le grand large.

Il incarne aussi, nous le savons bien, une certaine manière de concevoir l’action publique, avec ce talent qui lui est propre de savoir rapprocher les positions les plus irréductiblement opposées : c’est sur le terrain, en Bretagne, qu’il a acquis ce sens de la diplomatie efficace qu’il déploie maintenant partout dans le monde.
L’océan, justement, reste un continent à découvrir et je ne cesse de rappeler ici, député de la presqu’île de Crozon et de Ouessant, que la France, deuxième puissance maritime du monde, n’a toujours pas pleinement réalisé l’extraordinaire potentiel de développement qu’elle détient. L’énergie de demain sera maritime, ou ne sera pas.

Nous n’en sommes qu’aux balbutiements des découvertes à faire sur les ressources des algues, comme la spiruline par exemple. La mer pourrait être la pharmacie de demain.

Il y a aussi, sur terre, l’agriculture, la ferme Bretagne. Première région productrice de France, la Bretagne nourrit l’Europe et le monde. C’est d’ailleurs le sens de la COP Breizh proposée par le Conseil régional dont je veux saluer ici le président, Loïg Chesnais‐Girard. Oui, la Bretagne peut devenir la première région agricole d’Europe par la qualité, la traçabilité de ses produits, tout en respectant nos paysages et nos littoraux.

Et quelle autre région du monde peut voir flotter son drapeau, le Gwen Ha Du, dans tous les festivals de Bretagne et d’ailleurs, dans tous les ports du monde, à toutes les arrivées du Tour de France y compris en montagne ? Ou même, plus récemment, aux ronds‐points et carrefours…

Dans une France inquiète, vous êtes en première ligne, vous les maires et les élus locaux. Vous avez la responsabilité commune de répondre par l’action, et par la construction d’une ambition pour nos territoires. Et votre rôle est central !

La Bretagne est un exemple de responsabilités politiques partagées.

Nous sommes des chercheurs de solutions : nous avons inventé le « en même temps » cher au Président Macron, dès avant sa naissance, par notre capacité à trouver des solutions qui rassemblent.
Plus ou moins laïcs, plus ou moins ruraux, plus ou moins pour le social, l’économie ou l’environnement : on peut disserter sur les subtiles différences qui distinguent tel ou tel élu breton. Ce serait oublier que, pour l’essentiel, nous avons d’innombrables points communs.

Car, quand il s’agit de la Bretagne, sur l’essentiel, nous sommes d’accord.
  Qui aurait pu lancer le CELIB et obtenir un plan de rattrapage, avec des routes gratuites et l’installation d’entreprises industrielles, si ce n’est la Bretagne ?
  Qui aurait pu inventer un modèle de développement fondé sur l’économie, la culture et l’agriculture, si ce n’est la Bretagne ?
  Qui aurait su, après avoir réussi à être la première ferme d’Europe, devenir la seule région de France dont la qualité des eaux s’améliore depuis plus de dix ans, si ce n’est la Bretagne ?
  Qui aurait parié qu’avoir trois langues constituait un atout, si ce n’est la Bretagne ?
  Qui pourrait comprendre que la péninsule la plus occidentale de l’Europe soit aussi la plus européenne, si ce n’est la Bretagne ?

On peut être fier d’être Breton, de faire Bretagne ensemble, en suivant le précepte de Morvan Lebesque qui, dans son livre Comment peut‐on être Breton ? répondit : « On ne naît pas Breton, on le devient. » Je le suis devenu.

Sur l’essentiel, nous savons nous rassembler. Et je crois très sincèrement que c’est cela une commune, et bien la diriger c’est savoir rassembler, préserver les communs, les biens, les lieux, les êtres qui nous sont chers.

Quand les députés à l’Assemblée nationale constituante érigent les communes, le 14 décembre 1789, ils créent la plus petite cellule administrative, mais ils ne la définissent pas réellement : « Il y aura une municipalité dans chaque ville, bourg, paroisse ou communauté de campagne », proclament‐ils.

Dans le Finistère, on s’est fondé sur les plou, les paroisses, au risque d’installer la concurrence entre le recteur qui administrait les âmes et le maire qui administre le reste…

Je n’ai pas la prétention de dire l’Histoire, mais je continue de croire aux communes que vous administrez et surtout aux territoires, Bretagne en tête.

Président de l’Assemblée nationale, je ne veux pas que les collectivités soient caricaturées. Or, si je n’écoutais que quelques voix, de quelques grandes associations, je serais à deux doigts de me demander si les postures d’état‐major n’ont pas pris le pas sur les réalités auxquelles vous êtes confrontés chaque jour. Produire du verbe est une chose, agir sur le réel est plus difficile et mérite seul le respect.

Un mot sur les fameuses dotations : elles étaient rabotées uniformément pour toutes les collectivités, petites ou grandes, depuis 2011. L’Assemblée nationale a donné un coup d’arrêt!

Il est vrai qu’elles ont été modulées et que 347 collectivités parmi les plus grandes ont dû contractualiser.

Relevons aussi qu’un ministère de la Cohésion des Territoires a été créé. Pour la première fois, il prend la tutelle de la Direction Générale des Collectivités Locales : il aura les moyens d’adapter l’action de l’État aux demandes et besoins des territoires, au lieu de ne procéder que par des appels à projets auxquels seuls peuvent répondre ceux qui en ont déjà les moyens. C’est d’ailleurs dans cet esprit que, dans quelques jours, les députés travailleront sur la création de l’Agence
nationale de Cohésion des Territoires.
Je porterai ici pour ma part le combat pour que la libre administration des collectivités locales, qui est un principe constitutionnel, soit pleinement respectée : nous n’avons pas besoin de nouvelles lois nationales, pour décider comment les territoires doivent s’organiser.

Le combat contre l’empilement des normes dont continuer chaque jour. N’hésitez jamais à alerter vos parlementaires sur tout ce qui vous empêche d’agir.

Mais entre nous, reconnaissons que n’avons pas été mauvais non plus pour empiler les structures territoriales. Et soyons lucides, le citoyen contribuable ne sait pas toujours à quoi elles servent – sauf quand il paie ses impôts !

Sivu, Sivom, syndicat mixte fermé ou ouvert, communauté de communes ou d’agglomération, métropole, entente métropolitaine, département, région, agence… Toutes ces structures ont été, à un moment ou à un autre, nécessaires. Le sont‐elles toutes, aujourd’hui ou demain ? Il nous faut en faire le diagnostic volontaire, il nous faut, en Bretagne, proposer des simplifications ou des regroupements. Et croyez‐moi, j’ai plus confiance en votre capacité, en notre capacité, à proposer et à faire, qu’en celle du législateur à décider pour vous.

La commune nouvelle peut représenter un beau projet, quand elle est volontaire. Elle serait même encore plus belle, en associant mieux nos concitoyens. C’est une piste, pas une obligation.

Oui, il y a des progrès à faire, avec des intercommunalités pertinentes. Mais il faut que les changements se fassent sur la base du volontariat. On le sait, depuis l’essor de l’intercommunalité dans les années 1990 : la carotte est bien plus efficace que le bâton…

Ce qui fait un territoire, c’est un passé, une identité, mais aussi un projet, une envie, un avenir.
Quand, à Pipriac, comme dans dix autres territoires de France, s’imagine un projet, cela donne un Territoire Zéro Chômeur. Ce dispositif expérimental va se développer, comme l’a annoncé le président Macron en présentant le grand Plan Pauvreté.

C’est mobiliser les indemnités passives du chômage de longue durée pour créer localement des emplois et surtout redonner dignité et utilité à des citoyens, chez eux.

Quand le Mené devient le premier territoire à énergie positive de France, c’est ce Pays inventé par Paul Houée, mais aussi un abattoir, des agriculteurs, des élus locaux, un thermicien qui inventent la transition environnementale. Quand, à Lorient, on retient l’un des vingt premiers projets alimentaires territoriaux pour augmenter la part de bio dans les cantines, c’est parce que des agriculteurs et des enseignants du territoire ont d’abord porté le projet, pendant des années.

Je veux rappeler ici, à Paris, cette évidence bretonne : le développement des territoires, c’est un sport collectif. Il faut un bagad complet pour faire sonner la Bretagne !

La décentralisation a toujours été la promesse de rapprocher la décision du citoyen. Je crois très sincèrement qu’il y aura, demain, encore besoin de communes. Peut‐être pas de 35 000, mais la démocratie ne peut pas se vivre qu’au niveau de 1 250 EPCI. Il faut réinventer les plou, les fonctions des communes, avec les Bretonnes et les Bretons.

Il faut soutenir l’engagement au service de l’intérêt général, du collectif, que vous portez quotidiennement. Que serait la Bretagne, sans ses élus, ses bénévoles associatifs, ses sauveteurs en mer, ses pompiers volontaires ?
Les parlementaires, parfois, les lois, trop souvent, sont bavards. Il n’est pas temps de faire une nouvelle loi pour la Bretagne ou pour les territoires. Le Président Macron a proposé un principe simple et révolutionnaire : la différenciation. Cette conception nouvelle veut dire que l’on cesse de vouloir écrire à Paris ce qui doit se passer uniformément sur tout le territoire national.

Eau, culture, langues régionales : plus ou moins rapidement, plus ou moins facilement, la région Bretagne aura obtenu depuis 2012 de pouvoir expérimenter, de pouvoir agir de manière différenciée par rapport aux autres régions de France métropolitaine. Et je salue, à cet égard, l’imposant travail accompli par Jean‐Yves Le Drian, Pierrick Massiot et aujourd’hui, et j’espère demain, Loïg Chesnais‐Girard.

La différenciation peut être, et doit être, une nouvelle liberté locale, celle de ne pas tout garder à l’identique, mais d’imaginer l’organisation la plus pertinente pour permettre au plus grand nombre de s’engager.

Nous devons, vous pouvez aller plus loin ! C’est pourquoi, nous élus Bretons, avons à retravailler avec tous ceux qui le souhaitent, sur de nouvelles propositions, précises, argumentées et même chiffrées, de différenciation. Il faut que soit reconnue la singularité des territoires : l’unité de la République a tout à y gagner.

Je n’oublie pas que le Président de la République est venu à Quimper, le 21 juin dernier, prononcer un discours qui a été entendu et apprécié, par nombre d’élus, de toutes sensibilités.

Il a pris six engagements : Faire de la Bretagne, un laboratoire d’initiatives locales – Améliorer l’accessibilité de la pointe bretonne – Soutenir l’investissement agricole – Soutenir les filières maritimes –

Préserver l’environnement et notre cohésion territoriale – Défendre la langue bretonne.
On m’a présenté parfois comme le « premier des marcheurs », ce n’est pas tout à fait faux, mais soyez sûr que je serai désormais le premier comptable de ces engagements pris à Quimper.

Je conclurai en citant Per‐Jakez Helias : « Les Bretons sont questionneurs d’infinis. » Certes, les questions, les interrogations sont nombreuses, peut‐être trop nombreuses. Mais, comme toujours, il nous revient de nous entendre sur l’essentiel :
l’engagement pour l’intérêt général, le bien public.

Nous sommes tous de ces Françaises et Français qui s’engagent et pour cela le président de l’Assemblée que je suis se devait de vous recevoir et de vous rendre hommage.

Car je sais combien le mandat de maire est difficile : nos concitoyens exigent toujours plus, les règlementations se complexifient et les budgets sont limités.

Et pourtant, fantassins de la République, vous servez l’intérêt général, avec pour réel moteur le désir et le plaisir, parfois, d’être utile aux autres.

Tous, nous essayons de bien faire pour notre pays. Nous nous heurtons à des oppositions, ce qui est normal, mais ne laissons personne noircir inutilement le tableau. Comme l’a noté un écrivain voyageur qui aurait mérité d’être Breton, Sylvain

Tesson : « La France est un paradis peuplé de gens qui se croient en enfer. »

Nous ne vivons peut‐être pas au Paradis, mais nous savons que ce n’est pas non plus l’Enfer !

Merci à tous et prenons le temps d’échanger, de nous retrouver, de « faire Bretagne » au sein de l’Assemblée nationale !

Merci à vous d’être là ce soir.

Bevet Breizh ! Vive la République ! Vive la France !

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